Rencontres sénatoriales de l’apprentissage – Discours de M. Sapin

A l’occasion des dernières rencontres sénatoriales de l’apprentissage, il a été rappelé tout l’intérêt de la formation en alternance.

Le Ministre a repris : “l’apprentissage est autant une voie d’excellence que l’un des plus sûrs moyens d’entrer dans l’emploi pérenne”

 

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président de l’APCMA,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames, Messieurs,

 

Je vous remercie de votre invitation à participer à ces rencontres sénatoriales de l’apprentissage. C’est une habitude prise depuis plus de 10 ans et c’est une bonne habitude !

Je sais aussi, Monsieur le Président, le Sénat très vigilant sur la question de l’apprentissage. Il est au cœur du texte sur la formation professionnelle que nous venons de discuter ici même et qui a été adopté par la haute assemblée.

 

Je vois dans la salle un certain nombre d’apprentis. Je ne vais pas répéter ce que j’ai dit ici même ce matin lors de la cérémonie « l’un des meilleurs apprentis de France » ; toutefois – et parce qu’on ne le dit pas assez, je vais quand même le redire – l’apprentissage est autant une voie d’excellence que l’un des plus sûrs moyens d’entrer dans l’emploi pérenne.

Et plus encore après la réforme de la formation professionnelle qui permet désormais de signer un contrat d’apprentissage dans le cadre d’un CDI.

 

Cette loi, vous le savez, comporte un important volet apprentissage et je profite donc de cette circonstance pour vous en dire quelques mots.

 

Le premier mot est « cohérence »

J’entends parfois dire qu’il s’agirait d’une loi « fourre-tout », de la démocratie sociale à la formation professionnelle en passant par l’emploi. Encore faudrait-il considérer que la formation professionnelle n’a rien à voir avec l’emploi ou que la gestion paritaire n’a rien à voir avec le financement de la formation !

En réalité tout se tient et c’est pour cela qu’une réforme globale était nécessaire, je dirais même attendue.

 

Le deuxième mot, c’est « profondeur »

Cette réforme n’est pas une réformette de plus, une rustine supplémentaire, des petits ajustements juxtaposés, mais bel et bien d’une refonte fondamentale de notre système de formation professionnelle. Elle porte

– Un compte personnel de formation attaché à chaque individu, y compris les apprentis, et qui le suivra tout au long de sa vie. Il bouleverse le schéma classique d’une formation professionnelle destinée aux salariés, à l’initiative de leur employeur, et financée majoritairement dans le cadre du plan de formation des entreprises. Qui peut dire que ce n’est pas une avancée ? Ni ceux qui ont mis en place le droit individuel à la formation, ni ceux qui croient à la sécurité sociale professionnelle.

– La réforme instaure ensuite une « obligation de former » plutôt qu’une « obligation de financer », par le biais de la suppression de la dépense obligatoire de 0,9% de la masse salariale au titre du financement du plan de formation. Qui peut dire que ce n’est pas pertinent ? Ni ceux qui croient à la formation comme facteur de compétitivité de l’entreprise, ni ceux qui font le pari des connaissances.

– La réforme porte également une réorientation des fonds de la formation vers la qualification et vers ceux qui en ont le plus besoin, grâce à l’augmentation des financements pour les centres de formation d’apprentis, pour les bas niveaux de qualification, pour les salariés des petites entreprises et pour les demandeurs d’emploi. Qui peut dire que ce n’est pas juste ? Ni ceux qui croient au mérite, ni ceux qui croient à la solidarité.

– J’ajoute une simplification radicale du système de collecte, d’affectation et de mobilisation des fonds pour le rendre plus transparent, plus lisible et plus simple d’accès pour les entreprises comme pour les personnes. Qui peut dire que ce n’est pas nécessaire ? Ni ceux qui croient à la simplification, ni ceux qui recherchent l’efficacité de l’affectation des fonds de la formation professionnelle.

– Mais surtout, cette réforme est globale en ce qu’elle prend en charge tous les champs de la formation : des savoirs de base aux savoirs de pointe, de la sécurisation des parcours à la simplification des démarches, de l’envie de se former au contrôle de la formation, de la formation des plus fragiles à la montée générale du niveau de compétences.

 

Conçue dans le dialogue social, la réforme transcrit fidèlement l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier. Mais tous les autres sujets ne relevant pas à proprement parler d’une négociation des partenaires sociaux ont aussi fait l’objet d’une étroite concertation avec les acteurs.

 

C’est particulièrement le cas de l’apprentissage. La dernière Grande Conférence sociale de juin a décidé d’en faire l’objet d’une concertation.

Celle-ci s’est engagée dès septembre 2013. Elle a été très riche et ouverte.

Les représentants des chambres de métiers et de l’artisanat y ont pris une part active et constructive. Je tenais, Monsieur le Président Griset, à vous en remercier tout particulièrement aujourd’hui.

 

Alors, quelles sont donc les principaux changements en matière d’apprentissage ?

Changements de nature à transformer le quotidien des apprentis ou de leurs employeurs, que vous êtes.

Ils portent sur quatre grands registres :

– plus de moyens pour l’apprentissage,

– une répartition plus concertée de ces moyens,

– une simplification du système de collecte,

– une sécurisation du parcours des apprentis.

 

1. Plus de moyens pour l’apprentissage

L’objectif avait été fixé de longue date par le Gouvernement et le Président de la République lui-même : une part plus importante du produit de la taxe d’apprentissage doit bénéficier à l’apprentissage lui-même, pour contribuer à atteindre l’objectif de 500 000 apprentis à l’horizon 2017.

C’est chose faite :

La loi de finances rectificative pour 2013 a établi une nouvelle taxe d’apprentissage par fusion de la taxe actuelle et de la contribution au développement de l’apprentissage (CDA), ainsi que l’affectation intégrale de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) à ce même apprentissage. La loi qui vient d’être adoptée rend maintenant lisibles pour tous les acteurs les clés de répartition de cette nouvelle taxe. L’édifice sera parachevé par la création dans la prochaine loi de finances de la fraction régionale de cette taxe, qui devra être intégralement consacrée à l’apprentissage.

En clair et pour le dire plus simplement, le produit de la taxe d’apprentissage ira désormais bel et bien davantage à l’apprentissage.

J’ai fait ici même la démonstration chiffrée que les moyens des centres de formation d’apprentis augmenteront bel et bien, sans pour autant mettre en péril les autres voies de formation professionnelle des jeunes. Je ne vous infligerai pas ici cet exercice, mais chacun peut s’y livrer et constater la vérité.

 

2. Deuxième avancée : Une répartition plus concertée des moyens dits « fonds libres » de la taxe d’apprentissage

La liberté d’affectation des entreprises n’est aucunement mise à mal, bien au contraire, elle est préservée dans son principe, et même développée en termes de volumes affectables.

Se pose alors la question de la répartition des fonds de la taxe non affectés par les entreprises – sujet sensible mais qui devait trouver une réponse, car il n’est pas possible de laisser chacun face à son sort, que les plus riches s’en sortent et que les plus pauvres se noient.

C’est pourquoi je suis très attaché à deux dispositions de la loi :

– celle qui prévoit l’établissement d’une méthodologie de calcul des coûts par apprenti : je sais que les chambres de métiers y sont attachées. Je le suis moi aussi.

– Et celle qui prévoit une concertation obligatoire entre les OCTA, les Régions et les partenaires sociaux relative à la répartition des fonds dits « libres ». C’est une nécessité absolue pour que chacun dispose des moyens les plus conformes à ses besoins.

 

3. Une simplification du système de collecte, pour plus d’efficacité

Il existe aujourd’hui 147 organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage, les OCTA. Ils sont non seulement trop nombreux, mais de plus en concurrence totale. C’est ainsi que certaines entreprises sont sollicitées chaque année par de nombreux OCTA, parfois plus de 20 ! Ce n’est pas très sérieux et cela s’accompagne d’une dispersion des moyens.

 

La loi apporte sur ce registre des changements fondamentaux :

– Au plan national, seuls les OPCA pourront solliciter une habilitation à collecter et répartir la taxe. Outre l’aspect simplificateur, cela a du sens : les OPCA, outils des partenaires sociaux de branches ou interprofessionnels qui les gouvernent, pourront ainsi définir des politiques d’alternance faisant jouer au mieux les complémentarités entre les contrats d’apprentissage et de professionnalisation.

– Au plan régional sera créé un OCTA unique et interconsulaire. Par ce moyen, les politiques d’apprentissage seront davantage concertées et le nécessaire dialogue avec les Régions s’en trouvera facilité.

 

Il appartient maintenant aux différents réseaux consulaires de s’inscrire dans ce nouveau schéma. Je sais que ce travail est en cours et je ne doute pas un instant d’une issue positive.

– J’ajoute la sécurisation des parcours des apprentis. Les difficultés actuelles des apprentis sont connues. S’il est vrai que des employeurs, sur certains métiers, peuvent rencontrer des difficultés pour recruter un apprenti, le cas dominant est très exactement l’inverse, celui du candidat à l’apprentissage qui ne trouve pas d’employeur. Nous savons que la majorité des CFA prennent aujourd’hui en compte cette difficulté et agissent pour la résoudre au cas par cas. Mais il nous a semblé nécessaire d’inscrire ce rôle des CFA dans la loi, aux côtés d’autres missions dont l’une est particulièrement importante : offrir aux apprentis un accompagnement pour résoudre les difficultés d’ordre social et matériel qu’ils rencontrent parfois et qui sont susceptibles de mettre en péril le déroulement du contrat.

– Et enfin, je veux souligner la possibilité nouvelle de conclure un contrat d’apprentissage dans le cadre d’un CDI. Stabilisation des jeunes et fidélisation pour l’entreprise sont nos objectifs. Si j’en juge par ce que l’on constate dans le cadre du contrat de professionnalisation, je crois que cette possibilité nouvelle sera utilisée par les employeurs.

 

Voilà Mesdames et Messieurs, à grands traits, ce que contient, pour l’apprentissage, cette belle loi qui vient d’être adoptée. J’ai la conviction qu’elle portera de beaux fruits, qui pourront être plus beaux encore si chacun saisit comme il convient l’opportunité du pacte de responsabilité qui se prépare.

 

Je crois en effet que la formation professionnelle des jeunes, particulièrement dans le cadre de l’apprentissage, peut et doit constituer l’un des éléments centraux de ce pacte. J’ai la conviction, en particulier, que les branches professionnelles sauront se mobiliser – et mobiliser leurs entreprises – pour donner un nouvel élan à l’apprentissage, qui ne s’effondre pas comme je l’entends parfois, mais qui doit être l’objet de tous nos soins.

 

Parce qu’un pays qui avance est un pays qui se préoccupe de la formation de la jeunesse, pour sa compétitivité comme pour que chacun se réalise, j’ai confiance.

Confiance dans la réforme,

Confiance en vous tous,

Et j’ai la conviction que les chambres de métiers et de l’artisanat, comme elles l’ont toujours fait, tiendront une place centrale dans la construction de cet avenir.

 

Je vous remercie.

Lien Permanent pour cet article : https://alternance-psychomotricite.isrp.fr/rencontres-senatoriales-de-lapprentissage-discours-de-m-sapin/